jeudi 30 mars 2017

Objectif Soleil

Je ne résiste pas à l’envie de partager un petit retour sur un livre que j’ai trouvé captivant et dont le titre n’est pas sans allusion avec ce cher Tryphon Tournesol (ayant été inspiré à Hergé par Auguste Piccard) : Objectif Soleil, qui raconte l’aventure Solar Impulse.

  
Auguste Piccard et Tryphon Tournesol

Ce livre retrace par brefs chapitres l’aventure, depuis l’idée de base un peu folle, jusqu’au bouclement du tour du monde, mais de façon peu ordinaire puisque c’est un récit à deux voix, celle de Bertrand Piccard d’une part, et celle d’André Borschberg d’autre part, qui s’alternent et semblent se répondre au fil du livre de façon quasi épistolaire, chacun présentant à chaque étape sa perception intime des choses.

Deux éclairages distincts par deux personnes que l’on découvre à la fois complices et très différentes, rivales mais absolument indispensables l’une à l’autre pour mener à bien cette aventure.

Au-delà du message et des symboles de Solar Impulse, en tant qu'ingénieur et pilotaillon du dimanche (qui ne vole même pas le dimanche) j’ai trouvé captivants les aspects techniques (multiples péripéties de la conception à la mise au point de l’avion, l’exploit technique du vol solaire pseudo-perpétuel, l’immense difficulté du tour du monde en équilibre sur une tête d’épingle, les approches différentes de la gestion des facteurs humains : l’autohypnose pour le psychiatre, le yoga pour le pilote de chasse) mais aussi l’aventure humaine de pilotes explorateurs : le combat de Piccard pour gagner ses ailes de pilote, qui passe entre autres par l’humilité de ne pas minimiser ses erreurs, le combat de Borschberg pour ne pas être seulement pilote et ingénieur de l’ombre, l'investissement personnel et l’appropriation du projet par chaque membre du team avec les joies, les peines, les divisions, les déchirures, les difficultés au moment de prendre des décisions capitales et d’accepter celles des pilotes, la lutte de Piccard pour ne pas se faire « voler son projet » par les pilotes de chasse, l’OFAC à la fois bienveillante et parfois castratrice, les échecs dont on se relève et les succès qui font avancer.

Pendant l’aventure, à partir du moment où le HB-SIA avait passé la nuit en vol en accumulant davantage d’énergie la journée qu’il en consommait la nuit, on avait la preuve que le tour du monde à l’énergie solaire était techniquement possible. Les difficultés seraient la mise en œuvre : la météo, les limites humaines, la fragilité d’un tel avion, les blocages humains (administration, coopération internationale, organismes politiques, financement, etc.) et toujours la présence ou non du petit coup de pouce décisif de la chance au bon moment ou le petit grain de sable qui vient tout faire capoter.

Dans mon esprit, à partir de ce premier vol de 36h sans autre source d’énergie que le rayonnement solaire, un échec lors de la tentative de tour du monde n’aurait pas signifié l’impossibilité du défi, mais uniquement des difficultés surmontables en repartant à un autre moment. Personne n'a dit que ce serait facile, mais la faisabilité technique était désormais établie.

Lors du démarrage du tour du monde, je me souviens avoir été surpris. Déjà ? sont-ils seulement prêts ?

J’ai ensuite particulièrement tremblé en suivant en direct la spectaculaire traversée du Pacifique, de Nagoya jusqu’à Hawaï, avec André Borschberg aux commandes du HB-SIB. L'annonce du départ seulement à partir du point de non-retour au-dessus du vaste océan avait laissé supposer que quelque chose de peu ordinaire s'était passé, quand jusqu’alors le moindre soubresaut se Solar Impulse avait fait l’objet de communications sous les projecteurs.
L'exploit d'André était tout bonnement incroyable et relevait à mes yeux de la conquête spatiale, et les traversées maritimes suivantes avec Bertrand aux commandes n'étaient en rien moins périlleuses ni exigeantes.

C’est donc un chapitre que j’attendais dans le livre, qui décrit de façon saisissante ce coup de poker et le profond déchirement provoqué par la décision des pilotes explorateurs de forcer le destin face à un staff technique formellement opposé, des blessures qui resteront visiblement douloureuses jusqu’à la fin de l’aventure.
Ce passage en particulier m’interpelle, car je ne peux m’empêcher de penser que comme ingénieur, pilotaillon et père de famille, si j’avais été dans cette situation j’aurais peut-être été du côté des perdants… est-ce là la différence qui fait l’étoffe des héros ?

Certains livres vous tombent des mains, celui-ci je l'ai dévoré et eu bien de la peine à le poser quand il n’était plus raisonnable de continuer à lire – vite encore ce chapitre, il est tout petit…

On le trouve en version papier dans toutes les bonnes librairies, mais également en Kindle, très pratique.

Je précise que je ne touche pas de royalties, aucune commission…

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