jeudi 20 mai 2010

Flight Simulator, pour ou contre?


Quand on évoque Flight Simulator (FS), une question récurrente est : s'agit-il vraiment d'un simulateur, ou n'est-ce qu'un simple jeu sur ordinateur ?

Simulateur est peut-être un terme un peu prétentieux, que l'on réservera à des équipements destinés à exercer des domaines bien spécifiques avec un encadrement professionnel. Néanmoins il n'en tient qu'à l'utilisateur de faire de FS bien davantage qu'un simple jeu et de s'en servir au moins comme d'un merveilleux outil, sans nécessairement renoncer au divertissement.

Je vais tâcher d'illustrer cela avec une série de questions-réponses relatives à Flight Simulator. Dans les grandes lignes, c'est également valable pour XPlane, ou Condor pour les vélivoles. Les réponses proposées ne reflètent que mes préférences, d'autres utilisateurs auront peut-être une perception différente.

1) Est-ce que le pilotage est réaliste ?

Autant ne pas se faire d'illusions : des années de FS ne remplaceront jamais le vol réel, mais elles peuvent s'avérer très utiles.
Plus l'avion à simuler est complexe, plus le rendu de son modèle de vol et de ses systèmes sera simplifié et l'on se rapprochera du simple jeu. Toutefois, si l'on se limite aux monomoteurs comme ceux sur lesquels on apprend à piloter dans les clubs, on trouve une quantité d'avions pour FS disposant d'un modèle de vol très convaincant, c'est-à-dire que le comportement général de l'appareil dans les situations de vol normal est cohérent et relativement réaliste.

N'allez cependant pas imaginer pouvoir affiner votre pilotage en utilisant Flight Simulator : d'une part, toutes versions confondues, FS a ses limites dans la modélisation de la physique du vol. Les plus flagrantes à mon avis concernent la restitution du comportement en lacet des avions, ainsi que les effets liés au souffle de l'hélice, alors que ce sont précisément ces phénomènes qui requièrent de la finesse aux commandes. A contrario, je trouve le roulage au sol des appareils nettement plus difficile dans FS que dans la réalité.
D'autre part, et c'est là le principal handicap quel que soit le simulateur : les sensations de vol manquent totalement, et c'est ce qui déconcertera le plus l'élève pilote les premières fois qu'il sera aux commandes d'un vrai.
Mais le pilotage en réel ne se limite pas à tenir un avion en l'air, et on va voir que FS a bien d'autres choses à offrir.

2) Est-ce que la pratique de FS est une aide pour apprendre à piloter ?

En ce qui me concerne, cela m'a clairement aidé.
Tout d'abord, comme beaucoup je suis venu à l'aviation par FS et je serais bien ingrat de le renier. J'y ai acquis une solide culture générale aéronautique, je m'y suis familiarisé à la lecture et à l'utilisation des différents instruments et systèmes embarqués, j'ai gagné un temps considérable lors de l'apprentissage réel, en étant à l'aise avec ça tant pour la théorie que pour la pratique, là où d'autres ramaient (alors tu dis que si on règle le VOR sur la radiale 200 avec le drapeau FROM et que l'aiguille est à gauche alors on se trouve où par rapport à la balise ?)

J'y ai aussi pris de mauvaises habitudes, notamment l'erreur classique des simmers de garder un peu trop les yeux rivés aux instruments (ça peut devenir un avantage pour le vol sans visibilité). En utilisant FS, il faut faire gaffe aussi à ne pas vouloir pousser le réalisme trop loin et mémoriser des check-lists et des procédures inadaptées, par exemple en simulant des pannes aléatoires sans avoir appris à les traiter, vous risquez plus de prendre de mauvais plis. Ou alors il faut être prêt à faire table rase de tout cela le moment venu.

(Edit du 26.08.2013 : je complète cet article avec quelques commentaires que j'avais ajouté à l'époque).

Pour faire une analogie simple, c'est un peu comme un clavier genre Bontempi : vous pouvez le voir comme un jeu, pianoter dessus et ne jamais progresser, tout comme vous pouvez le voir comme un ersatz du piano que vous n'avez peut-être pas les moyens de vous offrir, travailler sérieusement dessus et apprendre des bases qui vous permettront de jouer correctement sur un piano de concert, même si le feeling des touches n'est pas le même.
Pour vraiment progresser, il faut un prof et du travail. Les leçons de Rod Machado, pour rester sur la même analogie, peuvent être comparées aux leçons que vous pouvez avoir avec votre clavier Bontempi, pour apprendre à jouer la main droite d'un morceau simple, puis la main gauche, puis les deux.
Les modules de leçons de Flight Simulator sont très bien faits, ce sont des exercices que l'on fait en réalité pour apprendre le pilotage, tout comme un vrai professeur de piano vous fera apprendre la main droite d'un morceau, puis la gauche, avant de jouer des deux mains. Je conseille régulièrement aux débutants sur FS de suivre ces leçons, je l'ai fait à l'époque, elles en valent réellement la peine et en plus l'approche est assez ludique.

Cependant il y a 2 choses fondamentales à garder à l'esprit dans l'utilisation de Flight Simulator, en particulier en vue de l'apprentissage :

1) sans un vrai professeur pour observer, analyser, critiquer et corriger, on prend facilement de mauvaises habitudes, tout comme si je joue seul dans mon coin sur un clavier, je peux être persuadé que c'est bien alors que je ne suis pas du tout en rythme et que le doigté n'est pas bon.

2) l'absence de sensations dans Flight Simulator fausse tout. Ne rêvez pas, il ne servirait à rien d'avoir un siège sur vérins ni un joystick à retour de force : les sensations dans un vrai avion sont très particulières et ne s'apprivoisent qu'en volant. Au début, c'est assez déconcertant, surtout lorsque l'on a quelques années de Flight Simulator derrière soi. Puis à force de voler, on s'habitue aux sensations, que l'on finit par "ressentir" virtuellement dans Flight Simulator.

À partir de là, l'aspect "pilotage" pur de Flight Simulator se limite pour moi à tenir l'avion en vol, toute tentative de réalisme plus avancé faisant prendre plus de mauvaises habitudes que de conserver les bonnes.

Dans la réalité, bien entendu le pilotage pur de l'avion est la tâche primordiale du pilote, celle qui a la priorité n°1, avant tout le reste, mais c'est aussi celle qui doit monopoliser le minimum de ses ressources mentales : on l'entraîne pour que ce soient des automatismes.
Les seuls automatismes que l'on peut entraîner dans FS sont les procédures, non pas pour vérifier leur efficacité, mais uniquement pour garder l'habitude de les appliquer, en particulier pour les procédures d'urgence, cela peut aider dans une situation de stress.

Les autres tâches comme la navigation et la communication peuvent momentanément monopoliser l'essentiel des ressources mentales du pilote, voire les saturer.

L'utilisation de scènes photo-réalistes (photographies aériennes projetées sur un relief détaillé) permet de se familiariser sous toutes les coutures avec les régions à survoler. Une montagne que l'on a l'habitude de voir depuis le sol peut totalement changer d'aspect vue depuis un avion, sous un angle inhabituel.


Le col de la Gemmi


Les scènes photoréalistes sont idéales pour travailler la navigation à vue sous tous ses aspects. La pratique de FS, même de façon ludique, aide naturellement à approfondir ses connaissances géographiques. Lorsqu'il s'agit ensuite de naviguer en VFR, cela aide vraiment beaucoup.

À défaut de FS ou de scène adéquate, on peut le faire sous Google Earth, mais avec une qualité vraiment moindre.

Enfin, en se connectant aux réseaux comme VATSIM, ou Real Sky, on peut réellement s'exercer et pratiquer la radiotéléphonie grâce à des contrôleurs bénévoles (souvent des professionnels). Si la majorité des utilisateurs des réseaux VATSIM simulent des vols de ligne, on peut parfaitement effectuer des vols en VFR. L'association Real Sky se concentre, elle, sur le VFR en France et ses séances permettent de pratiquer dans FS la radiotéléphonie en vol avec les différents organismes, dans des conditions extrêmement réalistes.

FS permet également de s'initier au vol aux instruments, même si ceux-ci sont un peu trop idéalisés dans leur modélisation.

Est-ce qu'en tant que pilote tu laisses tomber FS ?

Malheureux ! pour rien au monde. Pour commencer, je vole sous FS dans le même type d'avion que dans la réalité. J'utilise alors les mêmes check-lists et do-lists que dans le vrai, ce qui me permet de rester à jour et fluide en particulier durant les périodes de disette.


Cockpit virtuel du Robin DR400, réaliste jusque dans le détail

De même, FS me donne l'occasion d'exercer régulièrement les différentes procédures d'urgence : pannes, incendie, etc. Le but n'est absolument pas de voir si elles sont efficaces dans FS ni de les améliorer, mais de les garder à disposition dans l'esprit et d'être habitué à les appliquer, ça peut faire la différence dans une situation de stress.

Ensuite, avec les scènes photo-réalistes j'effectue volontiers une reconnaissance lors de la planification de mes vols, pour la navigation et en particulier lorsqu'il s'agit d'aller se poser sur un aérodrome extérieur. C'est l'occasion d'apprendre tranquillement les différents tours de piste, de repérer les points de report ainsi que les éléments remarquables.


Vent arrière piste 33 à Bex (LSGB)


La carte VAC de Bex

Ainsi je me suis jusqu'ici toujours senti familier dès la première fois avec les circuits des terrains où j'ai pu me rendre, tant la représentation dans mon FS est fidèle à la réalité. Toutes les capacités mentales que je n'ai pas besoin de monopoliser pour tenter d'identifier au sol des repères par rapport à une carte sont autant de disponibilité pour les autres tâches.
Et justement, l'arrivée à un aérodrome où l'on compte se poser est généralement un moment du vol où la charge de travail augmente subitement, puisqu'il faut s'intégrer dans un circuit publié sur une carte VAC, en veillant au trafic, en communicant avec la tour s'il y en a une, ou en aveugle s'il n'y a personne, afin de faire savoir de façon claire et concise ses intentions. Il faudra tenir des altitudes prescrites et maîtriser sa vitesse, survoler des points précis, en éviter d'autres, tout en préparant l'avion pour l'atterrissage. Autant dire que l'on peut très vite se laisser dépasser par les évènements.
Si l'on ne dispose pas de scène FS pour un terrain que l'on compte pratiquer, il existe des outils pour en créer très facilement à partir de services comme Google Earth ou Virtual Earth, dans la limite de qualité des photographies aériennes disponibles (même si une scène ne se limite pas à un tapis de textures sur le relief).
On peut également utiliser le mode simulateur de vol de Google Earth. Le réalisme du rendu est très limité, mais à défaut de grives...

Je n'ai pas la possibilité d'apprendre à piloter pour l'instant, que puis-je exercer avec FS en attendant ?

Flight Simulator est livré d'office avec des modules d'apprentissage, composés de séries de leçons préparées par un certain Rod Machado, instructeur et auteur d'ouvrages sur le pilotage. J'ai suivi quelques-unes de ces leçons sur une version déjà ancienne de FS, à bord du Cessna d'origine. Elles ne couvrent bien entendu pas tout le programme d'une PPL(A), mais donnent d'excellentes bases et je ne peux que les recommander. Si vous les maîtrisez, vous saurez vite les mettre en application dans la réalité le moment venu.

FS permet aussi au novice de se familiariser avec la lecture et l'utilisation de nombre d'instruments de pilotage ou de navigation, ainsi qu'à leur disposition classique dans un avion. Évitez de vous attaquer d'emblée aux Glass Cockpits, commencez par le début, avec les instruments à aiguilles du Cessna C172 fourni avec FS. Ce sont grosso modo les mêmes instruments que vous retrouverez dans la plupart des avions d'écolage.

De façon plus générale, construisez-vous une culture aéronautique. Intéressez-vous aux aéronefs quels qu'ils soient : la communauté en a modélisé des milliers pour FS, parfois dans les moindres détails. Approfondissez vos connaissances générales en cherchant à comprendre le pourquoi du comment (surfaces portantes, instruments, moteur, etc.) et les principes physiques auxquels cela fait appel, soit en cherchant sur la Toile, soit en vous procurant les brochures qui servent de support de cours dans les écoles (demandez au secrétariat d'un aéroclub).
Aux commandes d'un avion, lorsqu'une situation inconnue se présentera, vous ferez appel à votre culture générale pour analyser les circonstances et chercher la solution la mieux adaptée en évitant les erreurs.

Évitez cependant d'apprendre par cœur des procédures et des check-lists si vous ne volez pas en vrai : vous risquez de prendre de mauvaises habitudes.

Tout d'abord, beaucoup de choses ne sont pas modélisées dans FS et il est inutile de faire semblant d'effectuer une visite pré-vol quand il n'y a rien à contrôler.

Ensuite, pour un même type d'avion, les check-lists et procédures varient d'un club à l'autre, d'un pays à l'autre, en fonction des coutumes et contraintes locales (topographie, équipement, options, etc.) même si tout part d'une base commune : le manuel de vol de l'avion. Le jour où vous vous inscrirez dans un club et apprendrez à piloter un modèle d'avion, vous apprendrez à utiliser les check-lists et procédures qui vont bien avec cet avion et là, vous pourrez les exercer dans FS.

Enfin, et cet argument m'est très personnel, la visite pré-vol et les check-lists de mise en route font partie de mon rituel d'entrée mentale dans l'avion, c'est-à-dire qu'au moment de s'asseoir aux commandes, si les fesses y sont, la tête n'y est pas forcément : l'esprit vagabonde encore hors de l'avion. J'exécute point par point mes check-lists à haute voix, comme à l'examen, casque sur les oreilles et intercom branché (je me parle à moi-même). Quand mon avion est prêt à rouler, je suis pleinement concentré sur mon vol et sûr de ce que je fais. J'évite de banaliser ce précieux petit rituel.

8 commentaires :

  1. Addendum : la pratique de FS, même de façon ludique, aide naturellement à approfondir ses connaissances géographiques, surtout si l'on utilise des scènes photo-réalistes.
    Lorsqu'il s'agit ensuite de naviguer en VFR, cela aide vraiment beaucoup.

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  2. Bravo !
    On lit beaucoup de choses fantaisistes sur le sujet.
    Voilà un article sérieux et bien argumenté.
    À mettre en lien sur bien des forums qui traite de cette question.

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  3. des forums qui traitENT de cette question !
    Le reste sans changement... ;)

    Bravo pour l'ensemble de votre site.
    Il manque juste la possibilité de vous envoyer un message personnel pour vous féliciter de votre travail, indépendamment des zones de commentaires des articles.

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  4. Merci pour le commentaire ! C'est corrigé (;-)

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  5. Très intéressant, merci de cette introduction au pilotage et du partage de la connaissance...

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  6. Bonjour,
    Je présume que vous êtes pilote dans la vie.
    De la part d'un pilote réel, votre réponse est très bien expliquée, car il est vrai que flight simulateur un siècle d'aviation contribue pour apprendre sur un ordinateur la compréhension des bases pour piloter un avion par la suite, pour ceux qui désirent passer le vrai PPL, il est vrai aussi qu'il faut passer par un organisme de la FAA, ou une agence aéronautique pour apprendre sérieusement le pilotage réel.

    Mais je pense que flight simulateur est un très bon logiciel pour les débutants pour apprendre les bases.

    Il suffit de mettre en application avec beaucoup de patience sans sauter les leçons du célèbre RODE MACHADO. Et de lire attentivement tous les paramètres du jeu en question la lecture des informations peuvent apporter à un débutant une bonne base pour le passage de son futur vol dans le monde réel de l’aviation après inscription dans un centre spécial en France de la FAA. Federal Aviation Administration
    Des clubs ils ont existent une multitude en France pour apprendre en réel le pilotage pour le brevet de pilote (PPL).
    La licence de pilote privé, ou Private Pilot Licence abrégé PPL en anglais, est la licence de pilote privé qui permet de piloter des avions à moteurs dans la plupart des pays industrialisés selon des standards et des exigences de qualification homogènes. Elle permet d'emporter des passagers, mais n'autorise pas le transport commercial rémunéré. Elle est une première étape obligée vers des licences plus évoluées (vol aux instruments, multi moteurs, professionnelles).

    C’est un premier accès pour mettre le pied à l’étrier comme on dit.
    Je vous remercie pour votre intervention au sujet de cette question à propos du jeu flight simulateur je vous suis depuis de longues années je regarde souvent vos vidéos sur le net.
    Sil il est intéressant de l’acheter je répond oui sans hésitation pour tous ceux qui veulent ou recherche un simulateur de vol pour apprendre chez soi.
    Bonne continuation pour vos futurs projets et à bientôt.
    Jacky



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